La cabane, un habitat protéiforme. (1)
Immortalisée par Line Renaud quand elle est au Canada, ou au fond du jardin façon Francis Cabrel, la cabane fait indiscutablement partie de notre patrimoine national, d’autant qu’une mode récente l’a remise au goût du jour, qu’elle soit logée dans un arbre ou sur n’importe quel type de terrain.
Car, bien sûr, chaque cabane appartient à son environnement, refuge des pauvres s’il en est puisque de fortune avec souvent une notion de temporaire, mais toujours destinée à l’habitat et non au stockage d’outils ou de tout autre objet comme le seraient la remise, la resserre, le débarras, le box.
Une longue liste d’avatars.
Il était vain de les relever tous, certes, mais il nous a semblé intéressant de décrire certaines spécificités locales attachées à cette notion de cabane parmi les dizaines, voire les centaines existantes. Vous aurez donc compris que la liste suivante ne se veut, en aucun cas, exhaustive, un ouvrage entier n’y aurait pas suffi.
Par ailleurs, il paraissait judicieux de faire le distinguo entre ce que les particularismes régionaux considèrent comme cabane par opposition à la maison, et réciproquement. A l’image du chalet qui est à la fois une cabane de bergers dans les Alpes et une habitation plus ou moins luxueuse à la montagne.
La cabane.
Mais voyons plutôt l’étymologie du terme générique, la cabane, un mot qui nous vient directement de l’ancien provençal cabana emprunté au latin capanna de même signification, un terme qu’on ne connaît guère avant le XIVe siècle. Ce qui ne manque pas de sens puisque, jusqu’alors, faisait-on réellement une différence entre une maison et une cabane ? D’ailleurs, encore au XVIIe siècle, on considérait la cabane comme la résidence du miséreux, que ce soit pour un berger, un bûcheron, ou un simple manant.. Un habitat fait de bois mais aussi de bauge ou de torchis, souvent couvert de chaume ou de branchages, parfois de bardeaux, toujours un revêtement bon marché, immédiatement disponible.
Avec les moyens du bord.
Il est donc admis que la cabane est, à l’origine, une ébauche de maison construite avec les moyens du bord. Mais qui ne devrait pas être traitée avec mépris car elle fait partie du patrimoine architectural. N’en serait-ce pour preuve Vitruve qui en fait état dans son ouvrage De Architectura, référence de l’architecture du monde antique. Avant les Romains, chez les Attiques, la cabane occupait également une place prépondérante : faite de planches, elle se démontait pour être aisément déplacée, ce qui n’est pas sans la rapprocher de la baraque.
Un art de vivre.
De la cabane de notre enfance, certainement comparable à ce qu’étaient les premiers abris de l’Homme, cette modeste construction se métamorphosera en simple réduit à l’époque moderne. Aujourd’hui, pourtant, elle fait référence à un art de vivre, si proche de la nature, que semblent rechercher de nombreux Français. Sans oublier avec toute l’humilité et le respect qui conviennent, qu’elle reste encore la seule construction possible dans de nombreuses contrées du monde.
Mais entamons plutôt notre excursion lexicale avec ce modeste abri qui fait la fierté de certains de nos compatriotes, le cabanon.
Le cabanon.
Hélas, je crains que les forcenés du cabanon près de Marseille ne soient déçus d’apprendre que ce dernier n’existe que depuis le début du XXe siècle, voire dans certaines autres régions depuis le XIXe siècle mais pas sous cette appellation ; et non depuis des temps immémoriaux comme ils aiment à le raconter entre deux sardines qui bouchent le port. Et même si Le Corbusier s’en fit le promoteur, lui qui, près de vingt ans durant, partira en vacances sur la côte d’Azur, à Roquebrune Cap Martin dans un modeste cabanon de dix mètres carrés qu’il appelait son château. Un cabanon qui n’est rien d’autre qu’une cabane, ni plus ni moins, si ce n’est qu’on le trouve surtout en bord de mer, voire dans certaines régions viticoles.
Une histoire de fous.
Et puis, il ne faudrait pas oublier le sens originel du terme, ce que démontre notamment le dictionnaire de l’Académie française de 1798 où il apparaît pour la première fois, le cabanon est une petite cabane réservée aux irréductibles dans un hôpital, sous-entendu d’aliénés. Littré, quarante ans plus tard, en remettra une couche en indiquant qu’il s’agit d’un cachot obscur dans une prison, une acception que Balzac reprit à son compte. Et donc notre cellule de cinglés ne revêt son acception actuelle qu’à la deuxième moitié du XVIIIe siècle, ce qui finalement explique que les familiers des calanques soient devenus amoureux fous de leurs cabanons…